Lettre ouverte aux décideurs de l’économie plurielle

Ils prennent des décisions difficiles. Ils travaillent parfois à l’aveugle, en se fiant seulement sur leur instinct pour savoir si les décisions qu’ils prennent aideront à changer le monde, même si c’est pour une seule personne. 

D’eux dépendent des salariés, mais aussi des bénévoles, dont la « paye » ne peut se compter avec aucune calculatrice mais dont les bénéfices sont immenses. Justement, ils ont constamment à expliquer la différence entre le profit et un bénéfice, à justifier tout et rien en fonction de la direction du vent. Ils tiennent compte du point de vue de personnes dont les objectifs s’opposent parfois avec puissance. 

On leur demande sans cesse de couper dans les dépenses, de faire plus avec moi. On n’arrête pas de changer les paramètres avec lesquels ils doivent conjuguer pour fonctionner. Ils font parfois des semaines de plus de 60 heures. Ça les amène parfois sous le salaire minimum. Parfois, même, ça les brûle. 

Ils tentent de réconcilier des univers incompatibles. Ils doivent constamment jongler entre le côté financier et la visée sociale, entre la logique et le cœur. Ils considèrent un avenir sans cesse incertain et changeant avec une lunette qui date de 250 ans. 


On leur demande de comparer des pommes avec des éléphants, et de le faire sans dépenser un rond. Ils pourraient faire simple, se contenter, abdiquer même. Ils pourraient se trouver une « vraie job » et « faire rouler l’économie ». Mais ils persistent et signent.

Ça prend une foi immense pour accomplir ce qu’ils font. Devant les défis et les échecs, ils se relèvent les manches. Ils sont innovants et novateurs. Ils amènent des idées nouvelles, font changer et bouger les choses. Ils savent que la solution se trouve dans le « faire autrement », pas dans « faire plus avec moins ». Ils ont une foi incommensurable dans le bon, le potentiel, le possible.

Dans un monde en cases à cocher, en dessins techniques et en algorithmes, ils font de l’art abstrait, du surréel et de la chorale.

Ils sont admirables mais sont rarement admirés, malgré l’ampleur et la complexité de leur tâche. Ils voient en couleur et en 3D dans un monde en 2 dimensions monochrome.  Parce que rêver en couleur, ça donne des ailes.

Ils sont les gestionnaires et les décideurs (actuels et futurs) des organisations à visée sociale : coopératives, entreprises d’économie sociale, organismes sans but lucratif, associations, groupes de citoyens engagés et tellement plus! Et je tenais aujourd’hui à les saluer, à les reconnaître, à les remercier. Grâce à eux, toutes les personnes qui sont rejetées du revers de la main par le Marché ont une voix, qui tombe dans une oreille attentive à ce qu’ils ont à dire, qui y accorde de la valeur. Des valeurs ajoutées.

En vous côtoyant, je reprends espoir dans le genre humain et dans l’avenir qu’on essaie trop souvent de nous dépeindre comme apocalyptique.


Merci.

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